J’aime beaucoup ma première rencontre avec les gestionnaires de patrimoine. J’arrive vierge de toute connaissance et je plonge avec délectation dans leur univers. Je me laisse bercer par le contexte muséographique, les faits historiques, scientifiques, les anecdotes insolites (la réalité est riche en problématiques, tensions, désaccords de points de vue, qui sont de vrais trésors scénaristiques ! Vous verrez comment je les exploite dans un prochain article). Je suis également attentive à l’énergie, à la dynamique qui se dégage des lieux et des personnes que je rencontre. J’essaie d’être à leur écoute, d’être en phase avec leur passion. Je commence à faire des liens, à échafauder quelques idées.
Un exemple avec la collaboration réalisée avec la Maison de l’Absinthe (Môtiers,NE, Suisse). Ma mission, mettre en valeur ce patrimoine culturel unique !
La première visite permet de rencontrer l’équipe du Musée et de faire connaissance avec les collections. J’entrouvre dans ce cas l’univers mystérieux de cette vielle dame, qui a connu bien des turpitudes !
Créée en Suisse, dans le Val-de-Travers, à la fin du XVIIIe siècle, l’absinthe connait son heure de gloire à la Belle Epoque. Consommée par les mondains dans des cafés luxueux, muse des artistes, elle séduit progressivement la classe populaire et alimente une économie florissante dans sa région d’origine.
Boisson des poètes, l’absinthe s’exporte et se consomme sans modération. Les médecins s’alertent face à l’alcoolisme galopant et suspecte la thuyone (molécule présente à faible dose dans l’absinthe) de provoquer d’importants troubles du comportement. Les ligues anti-alcool, mais aussi l’Eglise, accusent l’absinthe d’être l’antichambre des hôpitaux psychiatriques. Ils tiennent tribune dans les médias, font signer des pétitions. Dénonçant un problème de santé publique, les garants de la moralité parviennent à convaincre populations et gouvernements. En 1910, l’interdiction de la fabrication et commercialisation d’absinthe entre en vigueur en Suisse, à la suite d’une votation fédérale. La France lui emboîte le pas, par décret, en 1915.
Curieux de savoir quel angle d’approche je retiens ? Alors rendez-vous à la prochaine chronique.
Photos : Jérome Schmid