Susciter la curiosité autour de l’objet patrimonial

Parce que construire un projet c’est choisir, il est important de définir rapidement l’angle d’approche. Lorsqu’on souhaite se lancer dans un projet de valorisation du patrimoine, il est essentiel de définir son public cible et de choisir son angle de prise de vue. Plus ce choix est pertinent, plus nous sommes susceptibles de susciter l’engouement du public visé, de l’interpeler ou d’éveiller sa curiosité. Je m’explique. Un objet ne reflète pas la même lumière, la même couleur, n’a pas la même forme, selon le point de vue depuis lequel on l’envisage. Le photographe qui souhaite le mettre en valeur prendra soin de composer son image, de choisir son cadrage. C’est la même chose en matière de patrimoine.

Parfois le gestionnaire à une idée très précise de l’angle d’approche souhaité (promotion d’une exposition, d’une collection, pour un public familial), parfois sa demande est plus vague et je l’accompagne à la préciser à travers nos échanges. J’apprécie beaucoup apporter mon regard extérieur sur les trésors patrimoniaux qui me sont présentés, je suis comme une ethnologue en terre inconnue. J’aime à penser que cette neutralité du regard porté, me permet de voir des potentialités auxquelles mes partenaires n’ont pas toujours pensé. Je vous donne un exemple.

Lors de la collaboration avec la Maison de l’Absinthe, il s’agissait d’amener un public de jeunes actifs à se déplacer au musée pour découvrir l’histoire de l’absinthe. Pour l’angle de prise de vue, j’avais carte blanche, le gestionnaire me laissait venir avec une proposition.

Photo : Jérôme Schmid

Dois-je évoquer l’absinthe à travers sa composition et sa création à deux pas du musée ? L’histoire de l’absinthe est intimement liée au Val-de-Travers (NE, Suisse) et la situation géographique du musée est idéale : le premier spiritueux a été commercialisé en 1798 dans le village voisin. Tout porte à croire que la recette d’origine aurait été transmise à l’industriel Pernod par une certaine dame Henriod, rebouteuse, qui prescrivait le remède à ses clients.

Dois-je plutôt focaliser sur « l’Heure Verte » ? Ce moment, entre 18h et 19h, réservé par les mondains du XIXe à la consommation d’absinthe. Parler de la Belle Epoque, c’est évoquer le monde artistique parisien : Rimbaud, Verlaine, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Manet. L’imaginaire créatif que suscite la consommation de la boisson des poètes est fécond. Ses excès aussi.

Photo : Jérôme Schmid

C’est en écoutant les audios disponibles à la Maison de l’Absinthe que je trouve le Graal : il faut raconter la clandestinité !

La période de la prohibition illustre l’impact économique d’une décision politique (la votation fédérale de 1908) sur toute une région, l’influence des lobbies du vin sur la compréhension des enjeux lié à alcoolisme, la résistance des distillateurs du Val-de-Travers, entrés en clandestinité, qui dissimulaient dans leur cave des alambics. Sans oublier les incroyables histoires de contrebandes de part et d’autre de la frontière franco-suisse !

Le thème de la clandestinité est ludique. Intriguant. Il est ancré dans l’histoire régional. Il permet d’interroger les points de vue. Cela résonne comme une évidence ! Le public doit plonger « en live » en pleine période de prohibition !

Dans la prochaine chronique, vous découvrirez mon idée pour concrétiser cette ambition.

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