« Je suis sorti de notre réalité, transporté dans ce monde que vous avez créé. » Voilà un commentaire que j’entends fréquemment dans la bouche des participants à mes Murder Parties.
En matière de valorisation du patrimoine, le fait scientifique/historique caché derrière une collection n’est pas suffisant. Pour transmettre un message efficacement (par exemple comprendre quels étaient les enjeux économiques et sanitaires de la prohibition de l’absinthe), il est important de mobiliser les sens du public. Lorsqu’il suscite des émotions, l’apprentissage se fait sans effort. C’est ce que permettent les expériences immersives.
« Les expériences immersives sont des dispositifs scénographiques et/ou scénaristiques qui invitent les participants à entrer dans une création en sollicitant une réponse sensorielle et cognitive. L’expérience n’est pas une fin en soi, mais un outil au service d’objectifs parfois très différents : découvrir un objet patrimonial, recréer du lien entre l’Homme et la nature, modifier des comportements d’achat ou simplement favoriser l’émerveillement. » (UXmmersive)
J’ai la chance de collaborer avec des structures dont le patrimoine suscite largement l’imaginaire. Une fois l’angle d’approche défini (voir article précédent), il ne faut pas longtemps avant que je commence à construire une histoire, un univers qui sera mon fil rouge. Je m’appuie sur la muséographie existante, les anecdotes historiques qui me sont contés et me laisse emporter par l’ambiance des lieux. Des rivalités industrielles, des histoires de cœur ou des affaires de famille… c’est l’idéal pour concevoir mon expérience immersive favorite, la Murder Party !
Une Murder Party est un jeu consistant à résoudre une énigme policière, en incarnant les protagonistes de l’histoire. Il s’agit d’une forme de jeu de rôle, en grandeur nature, un croisement entre théâtre d’improvisation, jeu d’enquête, aventure policière. L’un des intérêts principaux du jeu est de jouer les rôles des personnages d’une histoire criminelle. (Murder2000)
Pour la Maison de l’Absinthe, qui souhaitait faire rayonner l’histoire de la fée verte et attirer un public de jeunes actifs, la Murder Party s’est avéré un outil idéal. Il s’agit d’une forme de Cluedo géant, qui permet d’immerger les participants dans un contexte historique en les invitant à se glisser dans la peau d’un personnage.
L’intrigue « Crime en eau trouble » raconte la clandestinité des distillateurs d’absinthe du Val-de-Travers dans les années 20. Elle convoque une cinquantaine de personnages hauts en couleurs chargé de mener l’enquête : parmi eux le fameux industriel Edouard Pernod, une sulfureuse courtisane parisienne, des clandestins organisés en réseau, un douanier français ayant un faible pour la boisson, un tonnelier colérique ou un médecin psychiatre proche des ligues anti-alcool.
Pas besoin de talent d’acteur, pour s’amuser il suffit de se laisser emporter par l’intrigue et de dialoguer avec les participants (qui connaissent tous un morceau de la solution). C’est la force de cette expérience, découvrir une tranche d’histoire lors d’un moment ludique.
Les participants évoluent durant 2h30 dans l’histoire de l’absinthe à travers une enquête policière à rebondissement. Ils sont à la fois acteurs (ils incarnent un personnage) et spectateurs (d’une narration qu’ils découvrent).
Chacun a reçu une description de son personnage (profession, caractère, opinions) qui précise les liens qui le lie aux autres participants (amitié, concurrence, passion amoureuse secrète) et les objectifs spécifiques à réaliser, en plus de l’élucidation du crime. Des indices, sous formes de plans, de journaux, de photographies sont à sa disposition sur place pour faciliter la progression.
Après s’être évadé l’espace de quelques heures, le retour à la réalité n’est pas chose facile. Souvent l’envie est là de prolonger, encore un peu, ce moment hors du temps.
Dans la prochaine chronique vous découvrirez comment je suis tombée dans la marmite de la Murder Party !
Photos : Jérome Schmid