Il y a des sujets qui déchainent les passions parce qu’ils touchent à la conception que les professionnels des musées ont de leur mission.
C’est le cas de la nouvelle définition de musée proposée par l’ICOM (International Council of museums) en 2019 et qui a mis le feu aux poudres. En révélant les divergences de vue entre Anciens et Moderne quant à la mission qui revient aux musées, elle a initié une levée de bouclier menée par la France. Depuis, dans les coulisses de l’organisation faitière, on transpire à grosses gouttes. On a remballé les cartons et on espère que la consultation lancée auprès des nations aboutira à un consensus.
Petit retour en arrière.
A l’été 2019, la présidence de l’ICOM propose l’adoption d’une nouvelle définition de musée. La volonté est de mettre au goût du jour celle de 1986 et de l’ouvrir sur les défis de demain. La voici :
« Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs.
Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples.
Les musées n’ont pas de but lucratif.
Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. »
Plaît-il ?
Pour ma part, je la trouve particulièrement touffue et empreinte d’un jargon quelque peu hermétique.
De plus, si la mission des musées est de sauver le monde (ce qu’évoque la notion de « bien-être planétaire »), les professionnels du secteur doivent vite enfiler leur costume de super-héros. Plus question de jouer les timides. Au boulot !
On l’a vu avec la crise sanitaire de la Covid-19, ce n’est pas avec la reconnaissance et les finances octroyées à la culture par nos décideurs que les institutions muséales vont pouvoir soulever des montagnes. Alors pas de temps à perdre, directeurs de musée, sortez vos super-pouvoirs !
J’en ris mais cette définition est tout de même croquignolesque à certains égards.
Allez, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La volonté d’initier un dialogue critique sur des sujets de société me parle, de même que le désir de rendre la culture accessible à toutes les communautés. Elle révèle aussi un besoin de changement, de questionnement du moins, sur le rôle du musée au sein d’une société multiple en pleine mutation.
Pour rappel, la définition qui prévalait jusqu’ici était certes simple mais compréhensible et moins utopique :
« Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. »
Qu’en sera-t-il à l’avenir ? La deuxième phase de consultation proposée par l’ICOM (sur les quatre programmées) s’est achevée en avril dernier. La définition finale devrait être fixée en mai 2022.